Quatre prof d'EPS, deux canoés, une crique et un objectif à quatre heures de rame de toute civilisation. Une première vraie fenêtre ouverte sur la forêt guyanaise. La jungle, la vraie. Loin de tout sentier balisé. Une seule ouverture dans la forêt. la crique. En route vers la mer. (Une crique ici, c'est un court d'eau du ruisseau à la rivière).
Nos sacs sont prêts. Machettes, couteaux, trousses de secours, pierre à feu, lignes de pèches, eau en abondance. Mais aussi appareils photos, gopro, quelques bières et une bouteille de vin, des patates et des popotes. Nous chargeons ce qui nous servira plus tard dans des grandes touques que nous fixerons aux canoés.
Nabil et Stephane seront nos guides. Profs en Guyane depuis une dizaine d'années, ce sont des amoureux de la nature qui ne compte plus leurs heures passées en forêts. Nabil est chasseur, il pu apprendre pendant plusieurs semaines auprès des amérindiens les techniques de chasses locales. Il ne connaît pas la forêt. Il vibre avec. Chaque bruit lui est familier. Nous commençons à ramer vers quatorze heure trente. Quelques coups de pagaies suffisent à nous transporter dans un univers nouveau. Un vieux rêve est en train de s'accomplir. les arbres majestueux défilent les uns après les autres. Nous présentant leurs lianes et leurs racines. Impossible de savoir ce qui se cache derrière les frondaisons. Pourtant la forêt vit et réagit à notre passage ! De temps en temps, un envol brusque ou un galop qui détale. Nous nous arrêtons pour observer aigrettes, sarcelles, hérons en tout genre. Un groupe de singes curieux sont même venus nous rendre visite et sont repartis, non pas comme ils étaient venus, mais après avoir pisser sur Nabil et Arnaud ! Steph et moi avons été épargnés. Je dois encore faire un débriefing avec Steph sur les animaux que nous avons pu observer. Mais en tout cas sur cet aller, trois choses remarquables, les singes, l'espèce de héron la plus grande du monde et un lamantin, juste avant d'arriver à la mer.
Nabil qui prend la photo, Steph à la manœuvre pour l'approcher sans effrayer le martin pécheur. |
Plus nous avancions, plus la crique se rétrécissait et la forêt se transformait. Avancer devenait difficile parmi les palétuviers qui lançaient leurs racines en travers de notre chemin. Plusieurs fois il a fallu porter par dessus des troncs ou des racines qui nous barraient le passage. Tout en prenant garde de ne pas tomber dans l'eau. Le plus grand danger ici ? Non pas les piranhas, pas dans cette crique en tout cas. Les caïmans ? Ils préfèrent s'en aller loin quand on arrive. Les anguilles électriques. Certaines grosses comme ma cuisse, atteignant un mètre vingt à un mètre 60 en moyenne, pouvant aller jusqu'à deux mètres cinquante sont des poissons, qui bien que pas du tout agressifs. Ils se nourrissent d'algues et de petits poissons, sont très curieux et viennent facilement se frotter à ces choses bizarres et nouvelles qui traînent dans l'eau. Nous en avons rencontré plusieurs et filmé une en particulier qui est venu nous voir, mais je n'ai pas voulu tester pour vous l'effet que ça pouvait faire. Vous m'en excuserez !
Vers dix-huit heure trente, après avoir été effrayé par un lamantin qui est venu surgir de l'eau juste devant nous bousculant nos canoés. Nous avons cru au départ à un caïman (qui soit dit en passant peuvent atteindre 4 ou 5 mètres et qu'un "petit" de 70-80 centimètres peut facilement te croquer quelques doigts voir une bonne main), nous ne faisions pas les malins. Mais reprenons le fil de l'aventure. Donc, quelques minutes avant le couché du soleil, l'horizon s'est enfin ouvert, avec un majestueux envol d'aigrettes bleues et de hérons en tout genres sur la mer.
Le réchaud nous a uniquement servi a allumer le feu ^^ |
Les kayaks tirés sur la plage, nous avons fait un petit tour pour observer quelques rapaces, oiseaux limicoles et crabes violonistes vaquer à leurs occupations.
Après tout ces efforts, rien ne vaut une bonne bière gardée au frais dans la glacière !!! A savourer tranquillement tout en observant le manège des couples de perroquets au dessus des cimes.
Le soleil est parti. Avec son départ coïncide la levée. Deux fois par jours, à l'aube et au crépuscule, les moustiques sortent de leur sommeil. Et pas seulement, lorsque la ville est loin, viennent aussi les Yen-Yens. De minuscules moucherons noirs qui ne font aucun bruit, mais qui lorsqu'ils te piquent, laissent derrière eux un bouton qui reste plusieurs jours durant ! Une vraie calamité. Et en plus ça fait super mal ! Alors hop, il faut ramasser du bois pour le feu !
Et oui, parce qu'il existe une vieille technique locale pour chasser les moustiques. Vous arrachez un morceaux de termitière au sabre et vous le mettez au feu. Ça va dégager une forte odeur qui va chasser la plupart des indésirables ! Et puis il faut bien cuire les patates et le canard !
De gauche à droite, Steph, Arnaud et Nabil. Le repas cuit sur le feu, en attendant on sirote avec quelques chips un petit verre de vin rouge. Oui l'aventure c'est bien, mais il faut aussi parfois se faire du bien à soi !!!
Moi et Arnaud sommes fin prêts à repartir. Le ventre est plein, la frontale est chargée et le coupe-coupe sorti. A nous les caïmans !!
C'est en nocturne que le retour à la voiture va s'effectuer. Beaucoup d'animaux vivent la nuit dans la forêt. Mais surtout, la frontale permet de voir les yeux des animaux, qui sont lors de la journée invisibles à repérer. Caïmans, grenouilles, serpents, paresseux, agoutis, cabiaïs, ratons-crabiers ou autres marsupiaux sont ainsi détectable à plusieurs dizaines de mètres parmi les enchevêtrements de branches et de lianes. De plus, beaucoup d'oiseaux dorment sur les branches au dessus de la crique. On peut donc s'en approcher de très près afin de les admirer et les photographier. (Je n'ai pas de photos d'oiseaux, Steph doit encore me filer les siennes, je vous les transmettrai quand je les aurais).
La navigation à la frontale a cela d'oppressant que tu te retrouves confronté à tous les imaginaires fantasmagoriques de la forêt dévoreuse. Ici dans le silence aveugle, fracturé seulement par tes coups de pagaie, tu as le temps de percevoir les nuances de tes états intérieurs. Seuls une bonne connaissance de la forêt et de toi même te permet d'avancer sans avoir peur. Comme disais Sun Tzu : "Qui connaît l’autre et se connaît lui-même, peut livrer cent batailles sans jamais être en péril." Mais quel sensations de se retrouver là. Face à la nature et à l'inconnu. Et si la richesse revenait à disposer d'espace, de forêts et de silence ? Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Le temps de d'arpenter le Chemin. Chaque arbre et chaque tournant souhaitant la bienvenue. Rencontrer les montagnes et les ruisseaux. Parcourir les horizons et s'arrêter pour écouter le chant de l'oiseau. Accepter l'aide de Dieu au quotidien pour se laisser guider dans les tâches de la vie nous réserve. Certaines nuits, n'avoir nulle part ou dormir et d'autres se coucher dans un château.
"le corps et l'âme ont besoin de nouveaux défis, les idées nouvelles ont besoin d'espace" nous rappelle Paulo Coelho.
Au milieu de la forêt ? Je suis ici à ma place, j'ai été créé pour ça. Vivre le futur au présent. Et l'inutile disparaît. Redevenir un enfant et s'émerveiller. Je suis simplement reconnaissant d'être en vie, et j'ai la certitude de ne pas avoir perdu mon temps.
La nuit s'étire et ici, j'ai le temps de percevoir les nuances de la tectonique de mon âme. Une question se pose aux voyageurs, quand la moindre parole semble déranger l'ordre naturel. Peut-on se supporter soi même ?
Le passionnant spectacle des yeux qui s'allument sous le faisceau de la lampe. Rouge ? un caïman. Blancs et brillants ? Serpents ou grenouilles. Jaunes ? Mammifères ou félins.
Steph et Nabil, bien décider à nous initier complètement à ce nouveau monde tentent depuis quelques dizaines de minutes de capturer les caïmans que nous croisons. A la main. Beaucoup coulent lorsque nous les approchons, et l'espèce la plus représentée dans la crique, les caïmans rouges sont aussi les plus agressifs. Si tu l'attrapes, mieux vaut ne pas le rater parce qu'il se retourne direct pour te chiquer la main !Après plusieurs essais infructueux, voila notre premier gros reptile de la soirée ! Un rouge, reconnaissable à ses épines à l'arrière de la tête. Non seulement elles sont agressives ces bêtes là, mais en plus elles sont difficiles à tenir à causes de ces épines !! Nabil qui a capturé la bête, a récolté quelques belles entailles dans la paume.
Une fois les photos prises, nous l'avons bien sûr relâché. Peu de temps après, un arbre couché en travers de la crique nous obligea à porter le kayak. Mais lorsque Arnaud tenta d'embarquer par l'arrière, son pied glissa. S'ensuivi un dessalage mémorable. Les deux anciens derrière nous encore sur le tronc mais morts de rire. Arnaud qui aussitôt dans l'eau lâcha un gros "Ho P*t**n" n'est jamais ressorti aussi vite d'une baignade je crois bien. Et moi, ben comme j'étais à l'avant déjà installé, je me suis retrouvé au beau milieu de la crique, en train de tenter de sauver mes tongs (ou savates dans le langage local) tout en tenter de ressaler le canot pour rester le moins possible en train de barboter. Ce fut le petit moment frisson. Sans oublier lorsque nous avons débarqué pieds nus avec Steph pour prendre en photo le boa ci dessous, l'araignée grosse comme ma main qui fila entre mes pieds. t'as beau ne pas avoir peur, une araignée de cette taille que tu ne connais pas, ici, t'es pas bien quand elle t'approche de trop près.
Finalement, vers une heure du matin, après avoir pu observer d'autres serpents et surtout deux oiseaux très rares (en 8 an de forêt, c'était la deuxième fois seulement que Steph les croisait), nous sommes rentrés saints et saufs, rincés, assaillis de moustiques, mais heureux d'avoir pu vivre et découvrir une petit portion de la Forêt, la vraie.
Pour ceux qui liront jusqu'au bout, je m'excuse d'avance pour mon style. Sans compter les fautes ! Des fois je m'enflamme un peu dans l'écriture, sans avoir encore le recul pour poser un style qui me serai propre. Mais bon, si je suis régulier dans la rédaction de ce blog, j'espère que je pourrais progresser !
Et aussi, bientôt un montage vidéo de cette sortie mémorable, avec les singes, la capture du caïman rouge, des oiseaux et des images encore de la forêt.